Commentaires

Commentaire ? Comment taire ? Oui, comment taire les discours accumulés sur un bout de texte ? Discours brouillant, parasitant, une lecture qui se veut personnelle, intérieure, nourricière (comme la terre)… La lecture est un cheminement qui traverse un flot verbeux de connaissances qui sera peu à peu mis de côté, mis sous silence, pour que puisse se faire entendre non pas Le sens du texte mais la parole d’un lecteur bousculée par ce texte !

Le mot « commentaire » a, au cours de son histoire, pris de l’épaisseur ou perdu de sa consistance : c’est un mot qui a pris des valeurs péjoratives et aujourd’hui faire des commentaires c’est souvent ouvrir la bouche pour ne rien dire … Mieux vaudrait s’en tenir au « sans commentaire » …

Il faut entendre dans les commentaires ce que les auteurs classiques nous ont laissé dans leurs Mémoires, Confessions, Essais … : cet art du recueil, du fragment, de la digression … (Il est d’ailleurs remarquable comme Internet est propice à ces structures apparemment déconstruites …)

Il y a dans ce mot quelque chose qui touche au mental, à l’esprit (mens, mentis). Commenter : lire avec esprit !

Et c’est bien là où je veux en venir : commenter, c’est « méditer, appliquer sa pensée à quelque chose » … Le commentaire est un exercice, un art de l’aspérité, qui n’a pas pour objectif de combler le silence d’un auteur, de simplifier la complexité d’une œuvre, d’aplanir la profondeur d’un texte … Le commentaire n’est pas une œuvre savante mais spirituelle … Je dis régulièrement que je prie à mon bureau, à ma table de lecture, je dis que l’écriture ou que la lecture est ma prière … Le commentaire ne doit pas voiler l’œuvre méditée mais l’embrasser pour la dévoiler, elle ne doit pas faire taire l’œuvre mais faire naître dans le silence du lecteur une parole entière : le commentaire met en mouvement. Commenter, c’est cheminer avec le texte, faire l’expérience du souffle en marchant, c’est rythmer la marche entre silence et parole …